Beaucoup s’accordent à dire qu’il y aura un avant et un après cette crise sanitaire. Et nous ? Chrétiens de tous bords, comment cette crise pourrait nous interroger profondément ? Nous vous proposons 3 grandes questions qui à notre sens cette crise pose aux chrétiens :
Partie 1 : cette crise questionne notre rapport à la politique
Partie 2 : cette crise questionne notre rapport à l’église
Partie 3 : cette crise questionne notre rapport à la théologie
Partie 3 : Cette crise questionne notre rapport à la théologie
Les Eglises évangéliques ont eu à l’occasion de cette crise un peu plus de visibilité que d’habitude et elles s’en seraient bien passées. Pour nous il n’y a rien de spécial de plus à reprocher aux églises qu’à l'accoutumée. Les consignes ont été respectées pour la majorité et il serait injuste de juger un mouvement en pointant ses éléments les plus dérangés. Cependant, cette pandémie interroge le rapport de certains évangéliques à l’idée de la guérison divine. Sur le site d’une assemblée particulièrement visible lors de cette crise nous pouvons lire la déclaration de foi suivante : "Nous croyons à la guérison des malades par la foi en Jésus-Christ en vertu de son œuvre rédemptrice." Analysons un peu cette phrase. Il ne s’agit pas simplement ici d’affirmer que le miracle soit possible. Si nous admettons l’existence d’une divinité toute puissante alors la possibilité d’un miracle n’a rien de déconnant. Mais cette phrase ne se contente pas simplement d’affirmer la possibilité d’un miracle, mais saute le pas en affirmant que des guérisons doivent avoir lieu plus que d’habitude "en vertu de la foi en Jésus-Christ en vertu de son oeuvre rédemptrice à la croix". Cette idée est souvent associée à un verset d’Esaïe chapitre 53 : "Or il était transpercé à cause de nos transgressions, écrasé à cause de nos fautes ; la correction qui nous vaut la paix est tombée sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris." La guérison n’est pas comprise ici comme une guérison spirituelle, mais comme la guérison physique des corps. Affirmer cela fait de la guérison des corps non pas une simple possibilité offerte par la toute-puissance de Dieu, mais un acquis dont il convient de se saisir au même titre que du salut. De fait la guérison des corps devient une partie intégrante du salut en lui même. Un élément du package, indissociable du reste. Si ce texte parle de guérison des corps alors nous DEVONS affirmer qu’un véritable chrétien ne devrait pas et ne peut pas être malade. Et certains ne s’y trompent pas et vont jusqu’au bout de la logique en affirmant cela noir sur blanc. Nous ne connaissons pas l’assemblée qui affiche cette phrase dans sa déclaration de foi, mais il serait alors cohérent d’affirmer que les chrétiens ne peuvent pas être malades. Mais admettons, admettons un instant que notre compréhension théologique nous pousse à croire qu’un chrétien serait systématiquement guéri de toute maladie physique. Frottons cette croyance à la réalité. Alors que nous sommes encore en pleine pandémie mondiale, comment expliquer que des chrétiens meurent du Coronavirus ? Ils ne sont pas vraiment chrétiens ? Pari hasardeux.
Ils n’ont pas assez de foi ? Le verset dans Esaïe 53, compris comme s’adressant aux meurtrissures physiques ne fait pas de distinguo entre le niveau de foi nécessaire au Salut et à la guérison.
Les voies de Dieu sont impénétrables ? Réponse joker, que Jésus n’a d’ailleurs jamais employée.
Étant donné que l’on meurt toujours d’une maladie. Personne ne meurt de à proprement parlé vieillesse, mais à la limite d’une maladie engendrant la mort du à la faiblesse du corps. Alors pourquoi les chrétiens meurent ?
Croire qu’un chrétien ne peut être malade ne tient selon nous ni du point de vue de l’étude biblique rigoureuse ni du point de vue purement logique.
D’ailleurs beaucoup ne tiennent pas cette position et affirment ne croire à la guérison des corps qu’en vertu de l’oeuvre rédemptrice de Christ. Cela sous-entend tout de même qu’il devrait y avoir plus de guérisons inexpliquées par la médecine chez les chrétiens qu’ailleurs. La preuve, nous avons des témoignages de chrétiens qui sont guéris ! Le problème c’est que les chrétiens n’ont pas l’exclusivité des guérisons inexpliquées. La présence de guérisons inexpliquée ne peut suffire à tenir une telle affirmation, il faut prouver qu’il y a significativement plus de guérisons inexpliquées chez les chrétiens.
Une étude scientifique a voulu mesurer l’impact concret de la prière, en voici un résumé :
Dans cette étude, financée par la John Templeton Foundation, connue sous le nom de STEP (Study of the Therapeutic Effects of Intercessory Prayer), les auteurs ont étudié l’effet de la prière en faveur d’autrui auprès de patients (N = 1 802) provenant de six hôpitaux américains et répartis au hasard en trois groupes : 604 étaient l’objet de prières sans le savoir, 597 n’en bénéficiaient pas, mais, à l’instar du premier groupe, n’en étaient pas sûrs et 601 étaient certains d’être l’objet de prières. En vue d’obtenir des résultats valides, ni les patients, ni leurs médecins, ni le personnel soignant, ni l’expérimentateur ne devaient savoir quels patients étaient l’objet de prières et lesquels ne l’étaient pas. Cependant, pour assurer que les intercessions concernent les patients du groupe expérimental, les intercesseurs devaient inclure dans leurs prières le prénom et l’initiale du nom de famille. Durant l’étude, trois groupes de chrétiens recevaient chaque soir une liste de patients pour lesquels ils devaient, pendant deux semaines adresser leurs prières à Dieu par une formule standardisée, rigueur oblige : « Pour la réussite d’une intervention chirurgicale avec un bon rétablissement rapide et sans complications ». Les analyses statistiques montrent l’absence de différence entre les deux premiers groupes : les prières à leur intention n’ont eu aucun effet sur les conditions postopératoires des patients. Autrement dit, lorsque les patients ignorent si effectivement on a prié pour eux, la prière à leur intention n’a aucun effet. Cependant, chez les patients conscients d’être l’objet de prière (groupe 3), les risques de complications ont augmenté de façon significative. Les chercheurs émettent l’hypothèse que ces patients ont pu avoir subi un stress supplémentaire en s’imaginant que leur condition devait être désespérée, puisqu’on priait pour eux.
Nous ferons à l’occasion un article spécifique sur la prière et son rôle de notre point de vue.
Une fois que nous avons lu cela, il nous faut alors confronter ce qu’il nous semble avoir compris de la Bible (nos croyances) et la réalité.
À la lumière des faits, il est déraisonnable de croire que (1) Dieu guérit tous les chrétiens et que (2) les chrétiens ont plus de chances d’être guéri que le reste de la population.
Alors si nous parlons du sujet de la guérison, c’est que ce sujet est un bon prétexte pour voir que notre théologie doit être en dialogue avec notre expérience.
Dans nos milieux d’Eglises il est souvent valorisé de croire en dépit des faits. On nous encourage souvent à confronter aux faits la foi.
Cependant Jésus va à plusieurs reprises démontrer les erreurs théologiques des religieux de son époque de deux types de façon :
La démonstration par les faits : dans Marc 2, les pharisiens sont convaincus que Jésus ne peut pas pardonner les péchés. Alors Jésus les challenge : "Est-il plus simple de dire au paralytique lève toi et marche ou tes péchés te sont pardonnés ?". En guérissant le paralytique, Jésus vient de confronter la théologie des pharisiens à la réalité. Devant cette évidence, il est alors raisonnable de changer d’avis.
La démonstration logique : dans Matthieu 12, Jésus va démontrer l'incohérence logique des pharisiens. Ils affirment deux choses incohérentes, elles ne peuvent donc pas être vraies.
Jésus ne nous encourage visiblement pas à refuser la réfutation de nos croyances par des arguments logiques ou factuels.
Dissonance cognitive :
Si je crois que quelque chose est vrai tout en observant le contraire, et que je maintiens ma croyance, je ne suis pas rempli de foi, mais en pleine dissonance cognitive. La dissonance survient quand les personnes sont confrontées à une information qui n'est pas cohérente avec leurs croyances. Si la dissonance n'est pas réduite en changeant sa propre croyance, elle peut avoir pour effet la restauration de la cohérence au moyen d'une perception erronée de cette information non cohérente, du rejet ou de la réfutation de cette information, en recherchant le soutien d'autres personnes qui partagent les mêmes croyances, et en tentant d'en persuader les autres. #Wikipédia
Biais cognitifs :
Malheureusement notre cerveau ne manque pas de biais cognitif pour nous éviter cette dissonance. Sans surprise les recours inconscients à ces faiblesses cognitives sont souvent légion dans nos discours. Nous ne pouvons que vous encourager à vous informer à leur sujet ! (Par exemple : Le biais du survivant sur la chaîne YouTube du Chat Sceptique)
Alors quand les faits ne semblent pas correspondre à ma croyance, je n’ai en réalité que trois options pour rester cohérent et logique :
Ma croyance est fausse, j’ai bien compris la Bible, donc la Bible est fausse.
J’ai mal observé les faits, dans le cas de la maladie ou de la mort c’est compliqué, mais ça pourrait être le cas pour d’autres situations.
Ma croyance est fausse, j’ai mal compris ma Bible et je dois donc revoir mon interprétation des textes.
Malheureusement les dogmes dans nos Eglises empêchent souvent de se rabattre sur cette 3e voie, créant un faux dilemme entre (1) rester statique dans sa théologie et être en dissonance cognitive ou (2) Rejeter Dieu en bloc.
Osons, comme Jésus nous y invite, remettre en question nos croyances quand des faits ou quand des arguments concrets nous sont présentés à leur encontre. Ne soyons pas des pharisiens, qui en dépit des faits ont refusé de réviser leurs croyances. Ayons pour guide cette phrase de Jésus : la vérité vous rendra libre !
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